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États-Unis: Le "shutdown" a pris fin mais de grandes divisions politiques subsistent
information fournie par Reuters 13/11/2025 à 12:09

Fin de la paralysie du gouvernement américain

Fin de la paralysie du gouvernement américain

par Andy Sullivan, David Morgan, Bo Erickson et Nolan D. McCaskill

Les opérations de l'administration fédérale américaine devaient reprendre jeudi leurs cours normal, après une paralysie d'une durée sans précédent, mais les profondes divisions politiques à l'origine de ce "shutdown" de 43 jours n'ont toujours pas été résolues.

Le projet de loi de financement temporaire de l'administration, approuvé mercredi soir par la Chambre des représentants après avoir été voté deux jours plus tôt par le Sénat, ne prévoit pas de réels garde-fous pour empêcher le président américain Donald Trump de bloquer des programmes approuvés par le Congrès, dont l'autorité constitutionnelle sur le budget est régulièrement contestée par la Maison blanche.

Autre garantie que les démocrates réclamaient dans leur bras de fer avec les républicains du Congrès, et qu'ils n'ont pas non plus obtenue: l'extension de remboursements de soins de santé pour des millions d'Américains, dont le financement doit s'arrêter fin décembre.

Cette question est à l'origine du "shutdown", les sénateurs démocrates ayant refusé pendant des semaines de voter un quelconque projet de loi qui n'incluerait pas ces remboursements. Mais une poignée de sénateurs démocrates ont rompu les rangs, scellant un accord avec les républicains pour qu'un texte soit approuvé à la chambre haute du Congrès.

Le "shutdown" a mis également en exergue des clivages au sein du Parti démocrate, entre une base libérale qui réclamait que tout le nécessaire soit fait pour restaurer l'autorité du Congrès face à Donald Trump et des modérés considérant leurs options comme limitées puisque les pairs républicains du président contrôlent les deux chambres.

Face à cette situation, les pressions se sont accentuées sur le chef de file de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, pour qu'il démissionne, bien que ce dernier a voté lundi contre le texte de financement provisoire.

LE SPECTRE D'UN NOUVEAU "SHUTDOWN" DÉBUT 2026

Ni les républicains, ni les démocrates ne semblent sortir clairement victorieux de la longue impasse sur le "shutdown". Un sondage Reuters/Ipsos publié mercredi montre que 50% des Américains interrogés disent blâmer les républicains, tandis que 47% des sondés rejettent la faute sur les démocrates.

Le retour à la normale aux Etats-Unis pourrait être de courte durée, alors que le texte voté par le Congrès finance les opérations de l'administration fédérale seulement jusqu'au 30 janvier prochain, laissant entrevoir l'hypothèse d'un nouveau "shutdown" en début d'année 2026.

Ce quinzième "shutdown" depuis 1981 a placé les démocrates dans une position inhabituelle, la dynamique partisane s'étant inversée. De telles situations avaient le plus souvent été provoquées par les républicains au cours des dernières décennies.

Autre singularité de ce "shutdown" à la longévité inédite: le Congrès n'a pas débattu de la question de la dette publique américaine (38.000 milliards de dollars), qui devrait désormais s'alourdir, en l'état du budget fédéral, d'environ 1.800 milliards de dollars par an.

Les sénateurs démocrates ont dit penser qu'attirer l'attention sur la hausse programmée des coûts des soins de santé pour quelque 24 millions d'Américains, faute de financement fédéral au-delà du 31 décembre prochain, justifiait les répercussions sévères du "shutdown" à travers l'économie, avec des employés fédéraux en chômage partiel et des aides financières interrompues pour des millions d'Américains.

"Les soins de santé pour la population américaine est un combat qui vaut le coup, et je suis fier que les démocrates soient restés soudés pendant aussi longtemps pour livrer cette bataille", a déclaré à Reuters le démocrate Hank Johnson, élu de Géorgie. "La population américaine est très consciente des enjeux élevés du combat que nous menons (...) Elle comprend la précarité de la situation, et c'est pour cela qu'elle veut que nous nous battions", a-t-il ajouté.

"LEVIERS POLITIQUES"

Hormis une promesse que le Sénat, contrôlé par les républicains, organise en décembre un vote sur les remboursements de soins de santé, les démocrates n'ont obtenu aucune garantie sur la question - qu'il s'agisse de l'issue du vote à la chambre haute, ou de la tenue même de débats à la Chambre des représentants.

Mais ils mettent en avant le fait d'être parvenus à placer ce sujet sous le feu des projecteurs, alors que des enquêtes d'opinion montrent que les Américains sont préoccupés par le coût croissant de la vie.

Les démocrates estiment que les républicains pourraient subir des retombées politiques si ceux-ci n'agissent pas pour empêcher la flambée des coûts d'assurance-santé. Les aides fédérales en la matière bénéficient essentiellement aux habitants d'Etats américains contrôlés par les républicains.

Pour leur part, les élus du Parti républicain se sont retrouvés à avancer les mêmes arguments que ceux utilisés par les démocrates lors de précédents "shutdowns": que les dégâts causés par cette paralysie n'en valent pas la peine.

"Nous devrions être interdits par la loi de fermer à nouveau le gouvernement", a déclaré Brian Fitzpatrick, élu républicain modéré de Pennsylvanie, à Reuters. "C'est tout simplement insensé, insensé, que nous utilisions désormais les 'shutdowns' comme leviers politiques. Cela ne doit plus jamais se produire", a-t-il ajouté, qualifiant le "shutdown" le plus long de l'histoire de "terrible précédent".

Des centaines de milliers d'employés fédéraux contraints soit de travailler sans être rémunérés, soit placés en chômage technique, devraient recevoir des rappels de salaires, conformément à une loi datant de 2019. Toutefois la Maison blanche a menacé d'effectuer pour certains des retenues sur salaires.

"PURGE"

Donald Trump a également tenté durant le "shutdown" de licencier des milliers d'employés fédéraux pour mettre à exécution sa menace de cibler des programmes fédéraux chers aux démocrates.

L'accord conclu cette semaine par le Congrès pour sortir du "shutdown" garantit que les employés fédéraux ne pourront pas être licenciés jusqu'au 30 janvier prochain, date à laquelle prendra fin le budget temporaire voté par les élus et approuvé mercredi soir par Donald Trump.

Revenu au pouvoir en janvier dernier, le président républicain a entrepris dès lors de mener une "purge" des effectifs de l'administration. Quelque 300.000 employés fédéraux auront vraisemblablement été licenciés sur l'ensemble de l'année d'ici la fin décembre, sur un total de 2,2 millions de fonctionnaires.

Parmi les nombreux effets du "shutdown", l'absence de données économiques officielles a contraint les investisseurs et la Réserve fédérale américaine (Fed) à avancer dans le brouillard, sans tableau précis de la situation de la première économie mondiale.

Cela a aussi effrayé les consommateurs américains à l'approche de la période des fêtes de fin d'année et des achats que celle-ci engendre.

Le Bureau du budget du Congrès (CBO) avait dit estimer que le "shutdown" engendrerait le report d'environ 50 milliards de dollars de dépenses et réduirait le produit intérieur brut (PIB) américain d'un point et demi de pourcentage. D'après le CBO, l'économie devrait rebondir dans les grandes largeurs, même si plusieurs milliards de dollars de perte d'activité ne seront vraisemblablement pas recouvrés.

(Andy Sullivan, David Morgan, Bo Erickson et Nolan D. McCaskill, avec la contribution de Leah Douglas; version française Jean Terzian, édité par Blandine Hénault)

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